Séance du samedi 25 juin 2016 (Après-midi)

Alcide DONNAT (Guadeloupe) :

Bonsoir.

L’état d’urgence ou les tas d’urgence.
Alors que les populismes nationaux s’enorgueillissent d’un out qui renvoie chaque Etat aux enjeux et responsabilités des solidarités transfrontalières et s’effraient sur les pleurs de nos rues en terrasses, de ce vent macabre porté par des marchands de sable au cœur et culture en désert, nous voici donc réunis en Congrès dans ce concept juridique « d’état d’urgence » : l’autorisation légale de l’Etat en souffrance et sa reconnaissance dans un étau de libertés resserré.

L’urgence humaine nous avait-elle si fortement saisis qu’il fallut en reconnaître ainsi son état et péril ? Ou fallait-il au moins cela pour nous justifier d’un besoin si fort que nous le sortîmes des archives de la guerre civile en Algérie ?

L’Algérie, où là même nous nous exportâmes en 1943, pressés par la misère humaine des cœurs, des idées, et la guerre encore – la seconde guerre mondiale – lorsque nous, Confédération Générale des Œuvres Laïques, Scolaires, Postscolaires, d’Education et de Solidarité Sociale, dissous par un gouvernement vichyssois, nous nous reconstituâmes à la table de la France Libre et de la Résistance, dans la défense de nos fondements et valeurs, sur l’autre rive de la Méditerranée.

L’urgence nous a-t-elle seulement quittés un jour ?

Renvoyez-moi sous le soleil d’Alger faire résistance avant que le froid, la peur et l’ignorance étranglent nos idées, notre éducation et nos cultures.

Pourrais-je vous conseiller alors de poursuivre notre voyage et de nous rendre un peu plus loin, au musée national du Bardo à Tunis, découvrir les racines de Carthage, les vestiges des empires romain et grec, le baptistère chrétien quinze fois centenaire de Kélibia et le Coran bleu millénaire de Kairouan ?

Le circuit touristique de nos pensées est si grand que nous ne pourrions faire l’économie de visiter la concentration de cultures et de diversité des populations au cœur de la jungle, en bord de mer, entourées d’un ministère d’autruches et de girafes, la jungle du nord du continent, près de Calais et de Grande Synthe. Ou n’est-ce pas chez nous que se traversent le continent africain et le Moyen Orient, sous trois tentes, et un monde d’espérance, sur trois couchettes ?

Pourrais-je vous inviter humblement en Guadeloupe, vous raconter au chant des grenouilles, entre les temples hindous, les églises catholiques et baptistes, le périple de 15 000 kilomètres des réfugiés syriens qui nous arrivent à l’ombre de la nuit, rejoindre dans la clandestinité leurs familles éloignées qui forment, établies depuis des années chez nous, la communauté marchande libano-syrienne de notre Département ?

Ces tas d’urgence m’assaillent aux portes de ma demeure et de ma maison. Elles ne sont pas nouvelles, elles ont changé et se sont multipliées, au défi de mes connaissances et parfois de mon ignorance.

On m’a conté qu’ici cent cinquante ans ont passé. D’un cri d’état d’urgence : l’éducation laïque.

Il y a cent cinquante ans, l’abolition de l’esclavage vivait son enfance dans nos champs et des confins du monde, de Calcutta et de Pondichéry, nous arrivaient par bateaux entiers les Hindous du sous-continent indien, nouvelle force ouvrière de la Guadeloupe, pour de la misère et du sucre. 40 000 nous y serons débarqués.
L’urgence ne nous a finalement jamais quittés. Elle a juste changé.

Et les conteurs créoles, passeurs d’histoires, nous criaient : yé krik et krak.

Aujourd’hui je n’ai plus froid, je me réchauffe de nos idées, de notre activisme et de nos fédérations, des réponses, du sens et de la culture que nous apportons jour après jour dans nos actions et dans nos territoires.

Je vois des tas d’urgence, mais aussi des combats qui nous guettent quand Jean-Marc décide d’enlever le tablier.
Yé krik ! Yé krak ! Oui, nous y sommes. Yé krik ! Yé krak ! La cour ne dort pas.

Nous avons encore tant à conter, à faire et à raconter, car la Ligue est debout pour de multiples combats : la démocratie, l’école, la laïcité, le numérique, la mixité sociale et tant d’autres encore.


La Ligue est debout !

 

Alcide DONNAT (FOLG)