Le mouvement social débuté en Guadeloupe, il y a 4 mois, qui s’étend, aujourd’hui, à la Martinique, n’est pas limité à l’obligation vaccinale, même si celle-ci, et les mesures injustes vis à vis de personnels soignants et de pompiers la refusant, en a été le catalyseur.

De même, contrairement aux images diffusées sur les chaînes de télévision, le mouvement social est massif et essentiellement pacifique.
Les grandes marches et « déboulés » de la population se déroulent sans violences et sans dégradations.

Les actes de pillage, de violence et de vandalisme qui s’exercent en marge de la mobilisation pacifique et massive sont menés par une couche de la population qui ne fait plus confiance aux élus et aux solutions expérimentées à Paris, Bordeaux, Lyon ou Lille.

Quelles sont les raisons profondes de la révolte de la population ?

La Guadeloupe vit une crise de génération, qui met fin à plusieurs décennies de subordination d’une classe politique en déroute.

Les cris de détresse de la population depuis des années ne sont pas entendus, sont mal appréciés, sous -estimés, voire rejetés.

Les réponses de l’Etat et des élus en place ne sont ni appropriées, ni adaptées aux légitimes revendications de la jeunesse et des travailleurs en lutte. Si cet autisme politique se poursuit, c’est toute la société guadeloupéenne qui risque de basculer dans le chaos.

La responsabilité de cette crise est le fruit d’une rupture totale entre les réalités quotidiennes de la population, le regard distant et timide des élus, et le mépris des hauts fonctionnaires des services déconcentrés de l’Etat. Il existe une absence d’écoute manifeste, qui exaspère la jeunesse en quête d’insertion ainsi que les personnes en situation d’indigence.

La peur du changement qu’a la classe politique actuelle, depuis des décennies, arrive à son apogée.

Les méthodes et les pratiques utilisées, depuis la période coloniale, par un état impérialiste, poussent les jeunes à se révolter. Les jeunes générations exigent le respect de la culture et des pratiques ancestrales et revendiquent une distribution équitable de la ressource, de l’emploi, de l’accompagnement et de la formation.

La situation de l’emploi est dégradée. Déjà en 2017, avant la pandémie, un guadeloupéen sur trois vivait sous le seuil de pauvreté plus de 30% des jeunes étaient au chômage. L’inflation est à son point culminant. Le décrochage scolaire est aussi présent à la ville qu’à la campagne.
Les infrastructures sont vétustes : ainsi les coupures d’eau sont fréquentes sur tout le territoire. La fuite des cerveaux est devenue insupportable.

Il y a aussi des contentieux bien plus anciens, tels que la pollution de tout le territoire par un pesticide très cancérigène, le chlordécone, dont les conséquences sont encore là : la terre, les nappes phréatiques, les lagons, le bétail, les poissons sont contaminés. Et dans la population, contaminée elle aussi, les cas de cancer se poursuivent. Sans écoute, ni prise en charge des tests de contamination.

Les organisations syndicales et patriotiques fédérées dans la lutte ont présenté une plateforme  de revendications  en 32 points.

Dans un courrier daté du 29 septembre 2021, le préfet a rejeté l’ensemble des propositions et mis fin à toutes négociations.

Face à la souffrance de la population, le gouvernement a mis en échec la concertation pour imposer la répression et le dictat.

Il n’y pas lieu de bruler nos jeunes. Ils sont à l’image de tous les hommes et femmes en souffrance sur l’ensemble de la planète. Ils ont soif de liberté, de travail, de formation, et d’une vie digne.

L’arrêt de cette mobilisation passe par le dialogue, et par la mise en application des lois de la République qui prévoient des mesures spécifiques au profit des territoires d’outre-mer dans des contextes particuliers.

Alcide Savinien DONNAT